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Qu'ils étaient doux ces jours de mon enfance
 Où toujours gai, sans soucis, sans chagrin,
 je coulai ma douce existence,
 Sans songer au lendemain.
 Que me servait que tant de connaissances
 A mon esprit vinssent donner l'essor,
 On n'a pas besoin des sciences,
 Lorsque l'on vit dans l'âge d'or !
 Mon cœur encore tendre et novice,
 Ne connaissait pas la noirceur,
 De la vie en cueillant les fleurs,
 Je n'en sentais pas les épines,
 Et mes caresses enfantines
 Étaient pures et sans aigreurs.
 Croyais-je, exempt de toute peine
 Que, dans notre vaste univers,
 Tous les maux sortis des enfers,
 Avaient établi leur domaine ?
 Nous sommes loin de l'heureux temps
 Règne de Saturne et de Rhée,
 Où les vertus, les fléaux des méchants,
 Sur la terre étaient adorées,
 Car dans ces heureuses contrées
 Les hommes étaient des enfants.

Gérard de Nerval.